Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/105

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ses points varient et de telle sorte que tous les points de cette ligne restent fixes ? »

Voilà en effet une propriété qui, dans l’espace euclidien ou non euclidien, appartient à la droite et n’appartient qu’à elle. Mais comment reconnaîtra-t-on par expérience si elle appartient à tel ou tel objet concret ? Il faudra mesurer des distances, et comment saura-t-on que telle grandeur concrète que j’ai mesurée avec mon instrument matériel représente bien la distance abstraite ?

On n’a fait que reculer la difficulté.

En réalité la propriété que je viens d’énoncer n’est pas une propriété de la ligne droite seule, c’est une propriété de la ligne droite et de la distance. Pour qu’elle pût servir de critère absolu, il faudrait que l’on pût établir non seulement qu’elle n’appartient pas aussi à une autre ligne que la ligne droite et à la distance, mais encore qu’elle n’appartient pas à une autre ligne que la ligne droite et à une autre grandeur que la distance. Or cela n’est pas vrai.

Il est donc impossible d’imaginer une expérience concrète qui puisse être interprétée dans le système euclidien et qui ne puisse pas l’être dans le système lobatchevskien, de sorte que je puis conclure :

Aucune expérience ne sera jamais en contradiction avec le postulatum d’Euclide ; en revanche aucune expérience ne sera jamais en contradiction avec le postulatum de Lobatchevsky.

5. Mais il ne suffit pas que la géométrie eucli-