Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/119

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l’expérience qui nous a appris combien l’espace a de dimensions. Mais en réalité ici encore nos expériences ont porté, non sur l’espace, mais sur notre corps et ses rapports avec les objets voisins. De plus elles sont excessivement grossières.

Dans notre esprit préexistait l’idée latente d’un certain nombre de groupes ; ce sont ceux dont Lie a fait la théorie. Lequel choisirons-nous pour en faire une sorte d’étalon auquel nous comparerons les phénomènes naturels ? Et, ce groupe choisi, quel est celui de ses sous-groupes que nous prendrons pour caractériser un point de l’espace ? L’expérience nous a guidés en nous montrant quel choix s’adapte le mieux aux propriétés de notre corps. Mais son rôle s’est borné là.

L’expérience ancestrale.

On a dit souvent que si l’expérience individuelle n’a pu créer la géométrie, il n’en est pas de même de l’expérience ancestrale. Mais qu’entend-on par là ? Veut-on dire que nous ne pouvons démontrer expérimentalement le postulatum d’Euclide, mais que nos ancêtres ont pu le faire ? Pas le moins du monde. On veut dire que par sélection naturelle notre esprit s’est adapté aux conditions du monde extérieur, qu’il a adopté la géométrie la plus avantageuse à l’espèce ; ou en d’autres termes la plus commode. Cela est tout à fait conforme à nos conclusions, la géométrie n’est pas vraie, elle est avantageuse.