Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/131

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n’est qu’un trompe-l’œil. On ne peut pas décrocher une force appliquée à un corps pour l’accrocher à un autre corps, comme on décroche une locomotive pour l’atteler à un autre train. Il est donc impossible de savoir quelle accélération telle force, appliquée à tel corps, imprimerait à tel autre corps, si elle lui était appliquée. Il est impossible de savoir comment se comporteraient deux forces qui ne sont pas directement opposées, si elles étaient directement opposées.

C’est cette définition que l’on cherche à matérialiser, pour ainsi dire, quand on mesure une force avec un dynamomètre, ou en l’équilibrant par un poids. Deux forces F et F′, que je supposerai verticales et dirigées de bas en haut pour simplifier, sont respectivement appliquées à deux corps C et C′ ; je suspends un même corps pesant P d’abord au corps C, puis au corps C′ ; si l’équilibre a lieu dans les deux cas, je conclurai que les deux forces F et F′ sont égales entre elles, puisqu’elles sont égales toutes deux au poids du corps P.

Mais suis-je sûr que le corps P a conservé le même poids quand je l’ai transporté du premier corps au second ? Loin de là, je suis sûr du contraire ; je sais que l’intensité de la pesanteur varie d’un point à un autre, et qu’elle est plus forte, par exemple, au pôle qu’à l’équateur. Sans doute la différence est très faible et, dans la pratique, je n’en tiendrai pas compte, mais une définition bien faite devrait avoir une rigueur mathématique ;