Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/150

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système n’aurait pas une trajectoire à peu près rectiligne. Ils pourraient invoquer, pour expliquer ce fait, les forces centrifuges qu’ils regarderaient comme réelles et qu’ils attribueraient sans doute aux actions mutuelles des corps. Seulement ils ne verraient pas ces forces s’annuler aux grandes distances, c’est-à-dire à mesure que l’isolement serait mieux réalisé ; loin de là : la force centrifuge croît indéfiniment avec la distance.

Cette difficulté leur semblerait déjà assez grande ; et pourtant elle ne les arrêterait pas longtemps : ils imagineraient bientôt quelque milieu très subtil, analogue à notre éther, où tous les corps baigneraient et qui exerceraient sur eux une action répulsive.

Mais ce n’est pas tout. L’espace est symétrique, et pourtant les lois du mouvement ne présenteraient pas de symétrie ; elles devraient distinguer entre la droite et la gauche. On verrait par exemple que les cyclones tournent toujours dans le même sens, tandis que par raison de symétrie ces météores devraient tourner indifféremment dans un sens et dans l’autre. Si nos savants étaient parvenus à force de travail à rendre leur univers parfaitement symétrique, cette symétrie ne subsisterait pas, bien qu’il n’y ait aucune raison apparente pour qu’elle soit troublée dans un sens plutôt que dans l’autre.

Ils s’en tireraient sans aucun doute, ils inventeraient quelque chose qui ne serait pas plus extraordinaire que les sphères de verre de Ptolémée, et