Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/184

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notre courbe les zigzags les plus capricieux ? C’est parce que nous savons d’avance, ou que nous croyons savoir que la loi à exprimer ne peut pas être si compliquée que cela.

On peut déduire la masse de Jupiter soit des mouvements de ses satellites, soit des perturbations des grosses planètes, soit de celles des petites planètes. Si l’on prend la moyenne des déterminations obtenues par ces trois méthodes, on trouve trois nombres très voisins mais différents. On pourrait interpréter ce résultat en supposant que le coefficient de la gravitation n’est pas le même dans les trois cas ; les observations seraient certainement beaucoup mieux représentées. Pourquoi rejetons-nous cette interprétation ? Ce n’est pas qu’elle soit absurde, c’est qu’elle est inutilement compliquée. On ne l’acceptera que le jour où elle s’imposera, et elle ne s’impose pas encore.

En résumé, le plus souvent, toute loi est réputée simple jusqu’à preuve du contraire.

Cette habitude est imposée aux physiciens par les raisons que je viens d’expliquer ; mais comment la justifier en présence des découvertes qui nous montrent chaque jour de nouveaux détails plus riches et plus complexes ? Comment même la concilier avec le sentiment de l’unité de la nature ? car si tout dépend de tout, des rapports où interviennent tant d’objets divers ne peuvent plus être simples.

Si nous étudions l’histoire de la science, nous voyons se produire deux phénomènes pour ainsi