Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/209

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Il ne suffit pas qu’une théorie n’affirme pas des rapports faux, il faut qu’elle ne dissimule pas des rapports vrais.

Et notre éther, existe-t-il réellement ?

On sait d’où nous vient la croyance à l’éther. Si la lumière nous arrive d’une étoile éloignée, pendant plusieurs années, elle n’est plus sur l’étoile et elle n’est pas encore sur la terre, il faut bien qu’alors elle soit quelque part et soutenue, pour ainsi dire, par quelque support matériel.

On peut exprimer la même idée sous une forme plus mathématique et plus abstraite. Ce que nous constatons ce sont les changements subis par les molécules matérielles ; nous voyons, par exemple, que notre plaque photographique éprouve les conséquences des phénomènes dont la masse incandescente de l’étoile a été le théâtre plusieurs années auparavant. Or, dans la mécanique ordinaire, l’état du système étudié ne dépend que de son état à un instant immédiatement antérieur ; le système satisfait donc à des équations différentielles. Au contraire, si nous ne croyions pas à l’éther, l’état de l’univers matériel dépendrait non seulement de l’état immédiatement antérieur, mais d’états beaucoup plus anciens ; le système satisferait à des équations aux différences finies. C’est pour échapper à cette dérogation aux lois générales de la mécanique que nous avons inventé l’éther.

Cela ne nous obligerait encore qu’à remplir, avec l’éther, le vide interplanétaire, mais non de