Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais admettons la loi ; grâce à elle, je crois pouvoir calculer la position de Jupiter dans un an. En ai-je le droit ? Qui me dit qu’une masse gigantesque, animée d’une vitesse énorme, ne va pas d’ici là passer près du système solaire et produire des perturbations imprévues ? Ici encore il n’y a rien à répondre, sinon : « Cela est bien peu probable ».

À ce compte, toutes les sciences ne seraient que des applications inconscientes du calcul des probabilités ; condamner ce calcul, ce serait condamner la science tout entière.

J’insisterai moins sur les problèmes scientifiques où l’intervention du calcul des probabilités est plus évidente. Tel est en première ligne celui de l’interpolation, où, connaissant un certain nombre de valeurs d’une fonction, on cherche à deviner les valeurs intermédiaires.

Je citerai également : la célèbre théorie des erreurs d’observation, sur laquelle je reviendrai plus loin, la théorie cinétique des gaz, hypothèse bien connue, où chaque molécule gazeuse est supposée décrire une trajectoire extrêmement compliquée, mais où, par l’effet des grands nombres, les phénomènes moyens, seuls observables, obéissent à des lois simples qui sont celles de Mariotte et de Gay-Lussac.

Toutes ces théories reposent sur les lois des grands nombres, et le calcul des probabilités les entraînerait évidemment dans sa ruine. Il est vrai qu’elles n’ont qu’un intérêt particulier et que, sauf