Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/247

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lité de cet événement, pour quelqu’un qui n’aurait pas encore observé l’effet.

Pour mieux m’expliquer, je reviens à l’exemple du jeu d’écarté, cité plus haut ; mon adversaire donne pour la première fois et il tourne le roi ; quelle est la probabilité pour que ce soit un grec ? Les formules ordinairement enseignées donnent , résultat évidemment bien surprenant. Si on les examine de plus près, on voit qu’on fait le calcul comme si, avant de nous asseoir à la table de jeu, j’avais considéré qu’il y avait une chance sur deux pour que mon adversaire ne fût pas honnête. Hypothèse absurde, puisque, dans ce cas, je n’aurais certainement pas joué avec lui ; et c’est ce qui explique l’absurdité de la conclusion.

La convention sur la probabilité à priori était injustifiée ; c’est pour cela que le calcul de la probabilité à posteriori m’avait conduit à un résultat inadmissible. On voit l’importance de cette convention préalable ; j’ajouterai même que, si l’on n’en faisait aucune, le problème de la probabilité à posteriori n’aurait aucun sens ; il faut toujours le faire, soit explicitement, soit tacitement.

Passons à un exemple d’un caractère plus scientifique. Je veux déterminer une loi expérimentale ; cette loi, quand je la connaîtrai, pourra être représentée par une courbe ; je fais un certain nombre d’observations isolées ; chacune d’elles sera représentée par un point. Quand j’ai obtenu ces différents points, je fais passer une courbe entre ces