Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/258

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Les anciennes théories de la physique mathématique nous donnaient à cet égard une satisfaction complète. Tous nos maîtres, depuis Laplace jusqu’à Cauchy, ont procédé de la même manière. Partant d’hypothèses nettement énoncées, ils en ont déduit toutes les conséquences avec une rigueur mathématique, et les ont comparées ensuite avec l’expérience. Ils semblent vouloir donner à chacune des branches de la physique la même précision qu’à la mécanique céleste.

Pour un esprit accoutumé à admirer de tels modèles, une théorie est difficilement satisfaisante. Non seulement il n’y tolérera pas la moindre apparence de contradiction, mais il exigera que les diverses parties en soient logiquement reliées les unes aux autres et que le nombre des hypothèses distinctes soit réduit au minimum.

Ce n’est pas tout, il aura encore d’autres exigences qui me paraissent moins raisonnables. Derrière la matière qu’atteignent nos sens et que l’expérience nous fait connaître, il voudra voir une autre matière, la seule véritable à ses yeux, qui n’aura plus que des qualités purement géométriques et dont les atomes ne seront plus que des points mathématiques soumis aux seules lois de la dynamique. Et pourtant ces atomes invisibles et sans couleur, il cherchera, par une inconsciente contradiction, à se les représenter et par conséquent à les rapprocher le plus possible de la matière vulgaire.

C’est alors seulement qu’il sera pleinement