Page:Poincaré - La Science et l’Hypothèse.djvu/87

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situation relative. Nous corrigeons ainsi la modification qui s’est produite et nous rétablissons l’état initial par une modification inverse.

S’il s’agit par exemple de la vue et si un objet se déplace devant notre œil, nous pouvons le « suivre de l’œil » et maintenir son image en un même point de la rétine par des mouvements appropriés du globe oculaire.

Ces mouvements, nous en avons conscience parce qu’ils sont volontaires et parce qu’ils sont accompagnés de sensations musculaires, mais cela ne veut pas dire que nous nous les représentons dans l’espace géométrique.

Ainsi ce qui caractérise le changement de position, ce qui le distingue du changement d’état, c’est qu’il peut être corrigé par ce moyen.

Il peut donc arriver que l’on passe de l’ensemble d’impressions A à l’ensemble B de deux manières différentes : 1o involontairement et sans éprouver de sensations musculaires, c’est ce qui arrive quand c’est l’objet qui se déplace ; 2o volontairement et avec des sensations musculaires, c’est ce qui arrive quand l’objet est immobile, mais que nous nous déplaçons, de telle façon que l’objet a par rapport à nous un mouvement relatif.

S’il en est ainsi, le passage de l’ensemble A à l’ensemble B n’est qu’un changement de position.

Il résulte de là que la vue et le toucher ne nous auraient pu donner la notion d’espace sans le secours du « sens musculaire ».

Non seulement cette notion ne pouvait dériver