Page:Ponchon - La Muse au cabaret, 1920.djvu/293

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Mais, passons…
Mais, passons… Un beau soir donc, venait de finir
Une pièce dont j’ai perdu le souvenir,
Laquelle avait été fraîchement accueillie
— Si j’étais plus méchant, je vous dirais « cueillie » —
Elle fut déclarée horriblement pompier.
Et rasante… ah ! j’y suis… elle était de Barbier !
Moi, je n’en pouvais plus d’avoir vu cette ordure,
Sans ombre de bon sens ni de littérature ;
Mais voilà qu’au moment que j’allais m’en aller,
Songeant aux adjectifs dont je dois l’accabler,
Ma tante Jézabel devant moi s’est montrée
Comme au jour de sa mort pompeusement parée
Non… ça, c’est du Racine. Excusez-moi, mon Dieu.
Ma tante me dit donc comme ça : « Mon neveu.
J’espère que vous n’aurez pas la hardiesse
D’excommunier cette incomparable pièce.
Elle est patriotique et morale. » — Allons, bon !
Je te ferai sur elle un soigné feuilleton,
Lui dis-je. Il est certain pour moi que si la pièce
Te plaît, elle en mettra bien d’autres en liesse.
Et les événements me donnèrent raison.
À partir de ce jour, j’eus le même horizon
Que ma tante, et son opinion fut la mienne,
Étant celle, après tout, de la sombre moyenne
Du public. Oui, messieurs, à partir de ce jour,
Je ne parlais jamais d’un succès ou d’un four
Sans avoir consulté ma vénérable tante.
Je me montrais ravi, quand elle était contente.
Et tous les feuilletons dont j’ai tiré profit,