Page:Pontmartin - Causeries littéraires, 1854.djvu/104

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Enferme les Vêdas ; son souffle est la tempête ;
Sa marche est à la fois le temps et l’action ;
Son coup d’œil éternel est la création,
Et le vaste univers forme son corps solide, etc., etc.

Je le déclare, si ce devait être là le dernier mot de la poésie française, je demanderais qu’on me ramenât à M. de Florian et au chevalier de Boufflers.

M. Sainte-Beuve, le maître infaillible en tout ce qui n’est qu’affaire de goût, après avoir cité avec éloges de belles strophes de M. Leconte de Lisle, intitulées Midi, qui se terminent par ces vers :

Viens, ce soleil te parle en lumières sublimes ;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin,
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le cœur trempé sept fois dans le néant divin


ajoutait comme par pressentiment « Dans cette dernière partie, le poëte, en traduisant, dans son expression suprême, le désabusement humain, et en l’associant, en le confondant ainsi avec celui qu’il prête à la nature, a quitté le paysage du midi de l’Europe et a fait un pas vers l’Inde. Qu’il ne s’y absorbe pas ! »

Eh bien, nous craignons qu’il ne s’y soit absorbé ; nous craignons que le paganisme antique, ce mensonge brodé de lumière, ce nuage frangé de rayons, qui, par Platon et Virgile, touche presque à l’immortelle aurore des vérités chrétiennes, n’ait été pour M. Leconte de Lisle qu’une transition vers ces dogmes farouches des théogonies indiennes, que je définirais volontiers le mysticisme de la matière. S’est-il quelquefois demandé pourquoi Virgile, écrivant dans une langue fort inférieure au pur dialecte de Sophocle