Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/196

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couvrir quelle est, en toute chose, leur mesure respective, et le caractère qui leur appartient.

Jusqu’à ce jour Ordre et Liberté ont été, dans le Corps politique, deux expressions provisoires, inexactes, pour ne pas dire arbitraires. L’humanité, en s’organisant et s’affranchissant elle-même — deux termes synonymes, — a passé par une suite d’hypothèses destinées à lui servir à la fois d’épreuve et de transition. Peut-être ne sommes-nous pas encore à la fin : en tout cas il est consolant pour nous, et il nous suffit dès à présent, de savoir : 1o  Qu’il y a dans la société progrès parallèle vers la Liberté et l’Ordre ; 2o  que le progrès que nous avons à effectuer en ce moment, nous pouvons le définir et l’accélérer.

D’où vient donc que tant de formes gouvernementales, tant d’États, se sont pour ainsi dire abrogés d’eux-mêmes les uns après les autres ; que la conscience universelle s’est retirée d’eux, et qu’aujourd’hui, dans l’Europe civilisée, on ne trouve plus un seul homme qui voulût jurer par l’une quelconque des constitutions antérieures ? D’où vient que la monarchie constitutionnelle elle-même, tant caressée par nos pères, œuvre de trois générations consécutives, n’a plus de chance de se relever dans la nôtre, et que par toute l’Europe elle donne des signes visibles d’affaiblissement ? C’est qu’aucune forme politique n’a encore donné la vraie solution de l’accord de la Liberté et de l’Ordre, telle que la demandent des âmes raisonnables ; c’est que l’Unité, conçue par les intelligences les plus libérales de même que par les esprits les plus absolutistes, n’est toujours qu’une unité factice, artificielle ; une unité de coercition et de contrainte, un pur matérialisme enfin, aussi étranger à la conscience qu’impé-