Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/180

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de justice convoitent toujours, on monta sur le toit. Lorsque je vis qu’on prenait ce parti, je voulus me cacher derrière une cheminée et j’augmentai par là les soupçons. Le greffier, un de ses frères, avec deux domestiques, me moulurent de coups et me garrottèrent, sans nul égard à tout ce que je pus dire et faire. Tout cela se passait sous les yeux de ma belle, qui riait beaucoup parce que se rappelant ce que je lui avais raconté de ma prétendue science pour faire des choses plaisantes et des enchantements elle pensa que j’étais tombé par plaisanterie et par nécromancie, de sorte qu’elle ne cessait de me dire de monter et que cela suffisait. Cependant, comme je recevais réellement de violents coups de bâton et de poing, je poussais des cris affreux et ce qu’il y avait de bon c’est qu’elle ne cessait de rire, se persuadant toujours que le tout n’était qu’artifice.

Le greffier commença à instrumenter contre moi, et ayant entendu des clefs qui faisaient du bruit dans mes poches, il dit et écrivit, quoiqu’il les vît ensuite, que c’étaient des rossignols, sans qu’il fût possible de l’en dissuader. Accablé de tristesse de m’être vu si fort maltraité en présence de mon amante, et de me voir conduire en prison, sans sujet et comme un scélérat, je ne savais que faire. Je me mettais à genoux devant le greffier et je le conjurais au nom de Dieu de me laisser aller. Mais, sourd à toutes mes prières et inflexible, il ne voulut jamais lâcher sa proie. Cette scène humiliante pour moi se jouait sur le toit et dans ces sortes d’endroits il n’y a