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DU MANGEUR D’OPIUM

nel, en deux mots à toutes sortes de considérations n’ont rien à voir avec la sympathie réciproque des parties, nous n’entendons cependant que rarement parler de catastrophes tragiques de ce genre.

Pourtant le roi était du petit nombre de ceux qui sont capables d’une passion profonde, si j’en crois tout ce que j’ai entendu dire à ce propos. Tout le monde a appris combien il était passionnément dévoué à la charmante sœur du duc de Richmond. C’était avant qu’il ne se mariât, et il est certain, selon moi, que non seulement il désirait l’épouser, mais que même il en forma sincèrement le projet. Tout cela est de notoriété publique. Mais on a parfois parlé de certains faits qui permettent de croire que cette passion de sa jeunesse le troubla profondément et prit véritablement possession complète de son cœur. Or, chez un prince, dont les sentiments sont si exposés à se disperser, à se dissiper sous l’influence d’un nombre infini d’objets divers, qui sollicitent à chaque instant son attention, et si nous ajoutons que jamais, si ce n’est dans cette unique circonstance, il ne fit preuve d’un attachement qui eût quelque chose d’extravagant, de frénétique, tout cela semble bien prouver qu’il était vraiment, passionnément amoureux de Lady Sarah Lennox. Il avait un démon à ses côtés, et selon certains récits, il était en proie à une vraie possession. S’il en était ainsi, comme cela exprime vivement la nature complexe de la destinée humaine, et en même temps une autre vérité non moins intéressante — à savoir les terribles luttes avec la volonté, — les puissantes agitations qui bouleversent dans le silence et les ténèbres plus d’un cœur, pendant que