Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
123
DU MANGEUR D’OPIUM

leurs frères de l’est ? Uniquement à la différence de la politique adoptée par le gouvernement. Dans les comtés de Wexford, de Kildare, de Meath, de Dublin, etc., on avait jugé à propos, comme procédé de police préventive, non point pour punir, mais pour découvrir les projets insurrectionnels, d’adopter des mesures de la plus horrible sévérité, comme d’imposer le logement de la soldatesque, avec la liberté (et même l’ordre formel) de commettre des outrages et des insultes envers tous ceux qui étaient suspects, tous ceux qui refusaient d’appuyer ces procédés, tous ceux qui se permettaient d’en contester la justice, et même, sous prétexte de loi martiale, de faire subir divers supplices, comme de raser la tête et de la coiffer de poix, de pendre à moitié, d’infliger la torture du piquet, sans parler de l’incendie des maisons, du ravage des fermes. Tout cela se passait journellement, et de par l’autorité militaire. Le but avoué était soit de venger un acte connu de rébellion, soit d’arracher des aveux. Cependant, on peut bien supposer que dans un tel état de désorganisation sociale, la méchanceté des particuliers sous la forme de vieilles haines de famille, se donne libre carrière. Un grand nombre d’individus furent ainsi poussés par la seule frénésie d’une juste indignation, ou peut-être par le seul désespoir, à des actes de rébellion auxquels ils n’avaient point songé. Or, à cette époque, on n’avait plus recours à ce système barbare dans le Connaught, et on reconnut qu’à moins d’être affolée par les mauvais traitements, la classe paysanne était parfaitement capable de se gouverner elle-même. On ne vit pas se reproduire les massacres d’Enniscorthy, et il fut impossible d’expliquer honnête-