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DU MANGEUR D’OPIUM

taine était un homme bon et raisonnable, et de plus un marin très habile dans toutes les parties de son art. Le vaisseau qu’il commandait était un baleinier de la mer du Sud, appartenant à Lord Grenville, je ne me souviens plus s’il était à l’ancre à Liverpool ou à Londres, en ce moment-là. En tout cas on ne tarda pas à mettre à la voile.

Mon frère resta plus de deux ans sous la protection de ce brave homme, qu’il avait conquis par sa physionomie, et par certaines ressemblances que le marin croyait voir entre lui et un fils qu’il avait perdu. Ce fut un heureux temps pour le pauvre enfant, que cet intervalle passé sous une direction paternelle, car grâce à elle, il ne fut pas seulement à l’abri des dangers qu’il courut plus tard, mais quand son âge l’eut rendu plus capable de leur tenir tête, il eut, en outre, l’occasion dont il profita, avec tout le zèle possible, de se mettre au courant des deux branches distinctes de sa profession, la navigation et la marie, qualités qui ne sont que rarement réunies.

Après la mort de ce capitaine, mon frère passa par bien des aventures étranges, jusqu’au jour où après une rude bataille sur la côte du Pérou, le navire marchand sur lequel il servait fut capturé par des pirates. La plus grande partir de l’équipage fut massacré. Mon frère, grâce aux importants services qu’il pouvait rendre, fut épargné, mais il fut obligé de naviguer pendant les deux années et demi qui suivirent, avec ces pirates qui croisaient sous le drapeau noir, et commettaient un nombre infini d’atrocités, et pendant tout ce temps-là, il ne trouva pas une seule fois l’occasion de s’échapper.

On peut s’imaginer quels dangers de toute sorte