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DU MANGEUR D’OPIUM

en regardant du côté du navire tranquille par dessus la masse puissante des forêts. À bord de ce navire, tout l’équipage, meurtriers et autres, dormait en paix. Tandis que lui, le bel adolescent anglais, exilé jusqu’au antipodes loin de sa première demeure par le ressentiment de son orgueil outragé, était chassé de son abri présent par une crainte superstitieuse. Ce tableau évoquait en moi une scène et une situation qui ont été décrites avec talent par Miss Bannerman dans « Basile » un des remarquables récits en vers, peut-être peu intelligibles pour un lecteur hâtif, qui ont paru vers le commencement de ce siècle, sous le titre : Récits de superstition et de chevalerie. Basile est un « rude mousse » abandonné et négligé depuis son enfance, mais auquel la nature a donné des sentiments profonds qu’a développés la solitude. Il vit seul dans une caverne au flanc d’un rocher, mais par suite d’apparitions terrifiantes et surnaturelles qui ont quelque rapport avec un meurtre, et qui (sans qu’on voie clairement pourquoi) viennent troubler la tranquillité de son séjour, il le quitte tout épouvanté, et va dès les premières lueurs de l’aube, s’asseoir sur les rochers environnants, et lorsqu’il est assis là, il parvient à se distraire de ses terreurs, ou à consoler les sympathies de son cœur blessé, en contemplant dans les mouvements furieux des vagues je ne sais quels contours qui rappellent des être vivants.

Des Gallapagos Pink allait souvent à Juan Fernandez ou, comme il préférait l’appeler, après Dampier et d’autres, à John Fernandez. Bien plus tard (décembre 1837) les journaux nous apprirent, et pendant neuf jours nous fûmes persuadés que cette belle île avait été engloutie par un