Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
279
DU MANGEUR D’OPIUM

templer directement leur propre grandeur. Ils ont toujours, plus ou moins la conscience qu’ils jouent un rôle. Donc je n’éprouvais aucunement le tremblement qu’on devait attendre d’un novice, quand je fus introduit en sa présence.


IX

LE DOYEN


Le Doyen était assis dans une vaste bibliothèque ou bureau, meublé avec élégance, sinon avec luxe. Des valets de pied, placés de distance en distance comme ceux qui se transmettent les noms des invités de l’un à l’autre, dans un raout du grand monde, donnèrent une importance momentanée à mon insignifiante personne en m’annonçant d’une voix tonnante. Toute la complication de la vie aristocratique semblait avoir multiplié ses travaux de défense autour de ce grand personnage, et je fus réellement surpris de voir un si important monsieur condescendre à se lever à mon entrée. Mais je ne tardai pas à m’apercevoir que, si les rapports du Doyen avec les hautes classes lui avaient donné de grands airs, elles lui avaient communiqué en même temps une parfaite suavité de manières.

En cette circonstance comme dans bien d’autres, je remarquai combien on se trompe sur la conduite des hommes d’un haut rang, combien la connaissent mal ceux qui ne les approchent pas en