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DU MANGEUR D’OPIUM

majorité de ceux qui vont aux Universités, y vont pour y chercher un gagne-pain futur. Il est bien peu de gens en Allemagne qui s’adonnent à la vie académique, alors qu’ils ont de l’argent à jeter par la fenêtre, à dépenser pour du superflu, pour du luxe voyant, ou qu’ils ont à soutenir un rang qui stimule leur amour-propre et les incite à des dépenses plus grandes que leurs ressources. Aussi, dans ces endroits, la parcimonie est-elle la règle générale, et les amusements, étant aussi recherchés qu’à Oxford ou à Cambridge, mais jetant de côté leur enveloppe élégante ou cérémonieuse, prennent un caractère de grossièreté, et même assez souvent, d’abjecte brutalité.

Mon argumentation se résume ainsi : la carrière des armes étant la seule tenue pour suffisamment honorable, à l’exclusion de toutes les autres carrières civiles, et cela s’expliquant aussi parce que dans des gouvernements essentiellement antipopulaires, aucune personne appartenant à ces professions n’a été élevée à une considération artificielle par l’État, ou ne s’est vue récompensée plus tard par d’autres avantages, soit à côté soit en dedans des fonctions publiques, de nature à satisfaire les exigences de l’amour-propre aristocratique, — il en résulte qu’aucune profession civile n’est embrassée comme un moyen de se distinguer. Toutes sont jugées au point de vue des moyens de subsistance qu’elles procurent : les Universités, où se recrutent ces professions dégradées, en partagent naturellement la dégradation. Par suite de cette dépréciation simultanée de l’institution et des résultats qu’elle produit, elle est rarement fréquentée, ou absolument abandonnée par ceux qui sont censés avoir assez d’argent