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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

nence, mais non la tempérance. » Oui, en toutes choses, il est plus aisé de s’abstenir que de se modérer : une petite concession qu’on se fait a pour effet inévitable de réveiller le sentiment du plaisir, de l’irriter, de le faire se rebeller. Aussi en parlant de ma situation, n’ai-je fait aux réunions où l’on boit du vin aucune place. Que notre ami, dont nous mentionnons l’humeur abstraite, invite des amis à déjeuner, s’il en invite. Et à moins qu’il ne fût entièrement absorbé par l’étude, il est certain qu’il serait regardé comme un butor, s’il n’invitait jamais personne. Nul n’est moins partisan que moi de la claustration monacale et ascétique, à moins qu’elle ne soit de vingt-trois heures sur vingt-quatre.

Mais que cela soit bien entendu, qu’on ne s’y méprenne point, et qu’on se garde d’imputer au système ce qui dépend des habitudes individuelles. Dans les premières années de l’autre siècle, le docteur Newton, chef d’un des collèges d’Oxford, écrivit un gros livre contre le système d’Oxford qu’il présentait comme d’une cherté ruineuse. Mais alors comme de nos jours, la dépense était due à des causes sur lesquelles les collèges ne pouvaient avoir de contrôle efficace. Elle est due uniquement aux relations habituelles qui s’établissent entre jeunes gens, relations qu’on peut éviter quand on le veut. Mais exiger des autorités académiques qu’elles interviennent par des lois somptuaires dans les dépenses de grands jeunes gens, dont beaucoup ont dépassé l’âge légal de la majorité, et qui tous sont voisins de cet âge, doit paraître romanesque et extravagant dans la société de notre siècle, sinon de n’importe quel siècle.

Un tutor, à qui l’on demandait vers 1810 de fixer