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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

soigna parla une fois de trépanation. C’était là un mot terrible, mais j’ai toujours douté qu’il fût arrivé rien de sérieux. En fait, j’avais toujours au sujet de ma tête une terreur panique, et j’exagérais certainement sans vouloir le faire, mes sensations intérieures ; ce fut là ce qui égara les médecins qui me traitaient.

Pendant la longue maladie qui suivit, ma mère me lut dans la traduction de Hoole tout l’Orlando furioso, et je crois volontiers d’après mon impression d’alors, que la simplicité, la bonhomie de cette traduction a l’avantage de ne pas faire passer l’intérêt de la narration sur le narrateur. À cette époque aussi je lus pour la première fois le Paradis perdu, mais, chose assez singulière, je le lus dans l’édiction de Bentley, qui est la παραδιόρθωσις par ce prétendu restaurateur du texte.

À la fin de ma maladie, ma mère reçut la visite du directeur de l’école, et d’un certain colonel C. — qui avait des enfants à l’école et demandait, avec force compliments à mon adresse, qu’on me permît d’y retourner. Mais on jugera de la morale austère, mais sincère de ma mère, quand je dirai qu’elle fut choquée de ce que j’écoutais les compliments qui m’étaient adressés, et qu’elle fut complètement bouleversée par les paroles que ces messieurs s’attendaient à voir accueillir avec une fierté maternelle. Elle ne jugea pas à propos de me renvoyer à l’école de Bath, et j’allai dans une autre, au comté de Wilts, qui se recommandait par la réputation de piété de son chef.

J’y étais depuis un an, ou un peu plus, quand je reçus d’un jeune gentleman de mon âge, Lord W. — fils d’un comte irlandais, une lettre où il m’invitait à venir passer avec lui en Irlande