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DU MANGEUR D’OPIUM

passait tout naturellement et presque constamment à sa valeur au point de vue de la bibliographie. C’est de cette façon que mon interlocuteur m’apprit que le roi connaissait non seulement la chronique de Robert de Glowcester, mais encore toutes les autres anciennes chroniques, publiées par Hearne, et qu’en somme il possédait tout entière la série qui est montée depuis à un prix si énorme. Cette même personne m’apprit plus tard que le roi était particulièrement fier de ses in-folios anciens de Shakespeare, c’est-à-dire qu’il ne les estimait par seulement à raison de la supériorité de chaque exemplaire, au point de vue bibliographique, à cause de leur grande dimension, de la largeur des marges, etc., mais surtout parce que ces éditions étaient les bases les plus sûres pour établir un texte authentique du poète. Il appert donc que deux au moins de nos rois, Charles Ier et Georges III se sont fait un honneur de rendre un respectueux hommage à Shakespeare.

Le relieur ajoutait l’appui de son affirmation à un fait vrai (ou généralement réputé vrai) que j’ai entendu rapporter par une autorité plus considérable, — à savoir que le bibliothécaire, — ou sinon le bibliothécaire en chef, la personne qui avait la haute main sur tout ce qui avait trait aux livres, était un fils naturel de Frédéric prince de Galles (fils de Georges II) et qu’elle était par conséquent le demi-frère du roi. Son goût et ses penchants, à ce qu’il semble, étaient bien d’accord avec le désir qu’avait son frère de le maintenir dans une situation subalterne et dans un éclat obscur, dans lequel, en somme, il jouissait d’une opulence que rien n’inquiétait, que rien ne menaçait, que personne de la cour ne lui enviait, sans