Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/131

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Pantagruel, en demandent ilz de meilleures que la main au pot, et le verre au poing ? Allons, et qu’on me les mette à sac. Adoncq tous se mirent en ordre comme deliberez de donner l’assault. Mais au chemin passans une grande campaigne, furent saisys d’une grosse houzée de pluye. À quoy ilz commencerent à se tremousser et se serrer l’ung l’aultre. Ce que voyant Pantagruel leur fist dire par les capitaines que ce n’estoit riens, et qu’il voyait bien au dessus des nues que ce ne seroit qu’une petite venue : mais à toutes fins qu’ilz se missent en ordre et qu’il les vouloit couvrir. Lors se mirent en bon ordre et bien serrez. Adoncques Pantagruel tira la langue seulement à demy, et les en couvrit comme une gelline faict ses poulletz. Ce pendant ie qui vous fays ces tant veritables contes, m’estoys caché dessoubz une feuille de Bardane, qui n’estoit point moins large que l’arche du pont de Monstrible : mais quand ie les veiz ainsi bien couverts ie m’en allay à eulx rendre à l’abrit : ce que ie ne peuz tant ilz estoient comme l’on dit, au bout de l’aulne fault le drap. Doncques le mieux que ie peu ie montay dessus et cheminay bien deux lieues sus sa langue, tant que ie entray dedans sa bouche. Mais o dieux et desses, que veiz ie là ? Iuppiter me confonde de la fouldre trisulque si ien mens. Ie y cheminois comme l’on faict en Sophie à Constantinople, et y veiz de grans rochiers, comme les monts des Dannoys, ie croy que c’estoient les dentz : et de grans prez, de grans foretz, et de fortes et grosses villes non moins grandes que Lyon ou Poictiers. Et le premier que y trouvay, ce fut ung bon homme qui plantoit des choulx. Dont tout esbahy luy demanday. Mon amy que fays tu icy ? Ie plante, dist il, des choux. Et à quoy ny comment ? dys ie. Ha monsieur, dist il,