Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/85

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le diable paix, par dieu coquins si vous me tabustez icy, ie vous coupperay la teste à trestous. À laquelle parolle ilz demourent tous estonnez comme cannes, et ne osoient seulement tousser, voire eussent ilz mangé quinze livres de plume. Et feurent tant alterez de ceste seule voix qu’ilz tiroient la langue demy pied hors de la gueule : comme si Pantagruel leur eust gorge sallé. Lors commença Panurge à parler disant à l’Angloys. Seigneur tu es icy venu pour disputer contentieusement de ces propositions que tu as mis, ou bien pour apprendre et en sçavoir la verité ? À quoy respondit Thaumaste. Seigneur, aultre chose ne me ameine sinon bon desir de apprendre et sçavoir ce, dont iay doubté toute ma vie, et n’ay trouvé ny livre ny homme qui me ayt contenté en la resolution des doubtes que iay proposez. Et au regard de disputer par contention, ie ne le veulx faire, aussi est ce chose trop vile, et la laisse à ces maraulx de Sophistes. Doncques dist Panurge, si moy qui suis petit disciple de mon maistre monsieur Pantagruel, te contente et te satisfoys en tout et par tout, ce seroit chose indigne d’en empescher mondict maistre, par ce mieulx vauldra qu’il soit cathedrant, iugeant de noz propos, et te contentent au parsus, s’il te semble que ie ne aye satisfaict à ton studieux desir. Vrayement, dist Thaumaste, c’est tresbien dit. Commence doncques. Or notez, que Panurge avoit mis au bout de sa longue braguette ung beau floc de soye rouge, blanche, verte, et bleue, et dedans avoit mis une belle pomme d’orange. Adoncques tout le monde assistant et speculant en bonne silence, Panurge sans mot dire, leva les mains, et en feit ung tel signe : car de la main gauche il ioignit l’ongle du doigt in-