Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/94

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vous chainez, doreures, templettes, bagues, il ne fault que dire ouy. Iusques à cinquante mille ducatz, ce ne m’est riens cela. Par la vertuz desquelles parolles il luy faisoit venir l’eau à la bouche. Mais elle luy dist. Non, ie vous remercie ie ne veulx riens de vous. Par dieu (dist il) si veulx bien moy de vous : mais c’est chose qui ne vous coustera riens, et n’en aurez de riens moins, tenez : monstrant sa longue braguette, voicy qui demande logis : et apres la vouloit accoller. Mais elle commença à s’escryer, toutesfoys non pas trop hault. Et adoncques Panurge tourna son faulx visaige, et luy dict. Vous ne voulez doncques aultrement me laisser ung peu faire ? Bren pour vous. Il ne vous appartient pas tant de bien ny de honneur, mais par Dieu ie vous feray chevaucher aux chiens, et ce dict, s’en fouyt le grand pas de peur des coups. Or notez que le lendemain estoit la grand feste du corps dieu, à laquelle toutes les femmes se mettent en leur triumphe de habillemens, et pour ce iour ladicte dame s’estoit vestue d’une tresbelle robbe de satin cramoysi, et d’une cotte de veloux blanc bien precieux. Ce iour de la vigile Panurge chercha tant d’ung cousté et d’aultre, qu’il trouva une chienne qui estoit en chaleur, laquelle il lya avecques sa ceincture et la mena en sa chambre, et la nourrit tresbien cedit iour et toute la nuyct, et au matin la tua, et en prit ce que sçavent les Geomantiens Gregeoys, et le mist en pieces le plus menu qu’il peut, et les emporta bien cachées, et s’en alla à l’esglise ou la dame debvoit aller pour suyvre la procession, comme c’est de coustume à ladicte feste. Et alors qu’elle entra Panurge luy donna de l’eau beniste bien courtoisement la saluant, et quelque peu de temps apres qu’elle