Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/43

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Allons leur faire voir ce qu’ils ont de plus tendre ;
Voyons ſi contre nous ils pourront ſe défendre,
Ou s’ils oſeront bien, dans leur noire fureur,
Répandre noſtre ſang pour attaquer le leur.

Antigone
Madame, c’en eſt fait, voicy le Roi lui-même.
Scène 3
Jocaſte, Antigone, Étéocle, Olympe.

Jocaſte
Olympe, ſoutien-moi, ma douleur eſt extrême.

Étéocle
Madame, qu’avez-vous ? & quel trouble…

Jocaſte
Ah, mon fils,
Quelles traces de ſang vois-je ſur vos habits ?
Eſt-ce du ſang d’un frère, ou n’eſt-ce point du vôtre ?

Étéocle
Non, Madame, ce n’eſt ni de l’un ni de l’autre.
Dans ſon Camp juſqu’ici Polinice arrêté,
Pour combattre, à mes yeux ne s’eſt point préſenté.
D’Argiens ſeulement une troupe hardie
M’a voulu de nos murs diſputer la ſortie.
J’ai foit mordre la poudre à ces audacieux ;
Et leur ſang eſt celui qui paroît à vos yeux.

Jocaſte
Mais que prétendiez-vous ? & quelle ardeur ſoudaine
Vous a fait, tout-à-coup, deſcendre dans la plaine ?

Étéocle
Madame, il étoit tems que j’en uſaſſe ainſi,
Et je perdois ma gloire à demeurer ici.
Le peuple, à qui la faim ſe faiſoit déjà craindre,
De mon peu de vigueur commençoit à ſe plaindre,