Page:Rambert - Études littéraires, t2, 1890.djvu/294

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nante : c’est, nous l’avons dit, une protestation contre la prose de ce siècle. Mais au nom de qui élève-t-il cette protestation ? S’agit-il d’un goût, d’un engouement, d’une gageure, on d’une conviction, d’un sentiment réellement intime et profond ? Il n’y a pas d’irrevérence à poser la question. Dans les époques ou les convictions faiblissent, les goûts s’exaltent et se passionnent. L’âme, à demi dépouillée, applique à ce qui lui reste les forces désormais sans emploi et l’on voit aujourd’hui des artistes, fatigues de la platitude de nos mœurs cosmopolites, faire des pelerinages aux lieux ou l’on trouve encore de vieux costumes et de vieilles coutumes, avec une ferveur qui rappelle celle des anciens pelerins des lieux saints. Il peut y avoir dans cette ferveur autre chose que l’exaltation d’un goût ; elle peut fort bien provenir d’un sentiment réfléchi de la valeur de l’originalité en toutes choses. Et s’il en est un qui me paraisse sincere parmi ces artistes degoûtés de l’aplatissement de nos mœurs cosmopolites, c’est assurement Leconte de Lisle. Du moins y porte-t-il toute l’ardeur d’une passion religieuse, d’un culte. Le mot ne semble pas trop fort. Dans le sonnet que je viens de vous lire, l’homme est accuse d’etre un tueur de dieux. Dieux est écrit au pluriel. S’il ne tenait qu'à l'auteur des Poëmes antiques et des Poëmes barbares, nous assisterions prochainement à une resurrection des mythologies d’autrefois, a com-