Page:Ranc - Souvenirs-correspondance, 1831-1908.djvu/17

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pierres volaient que c’était un plaisir. Moi qui avais l’horreur instinctive de la soutane, j’avais pris parti sans hésiter pour l’école laïque. J’étais trop moutard pour me mêler activement à la lutte ; mais, à un moment où un groupe de mutuel écrasé par le nombre était ramené, je leur offris de se retrancher dans le corridor de notre maison où j’avais amassé un joli tas de pierres.

Les mutuels ne se le firent pas dire deux fois et tout de suite ils dirigèrent sur les flancs de l’ennemi un feu roulant.

L’ennemi riposta par une grêle de pierres qui vint s’abattre de notre côté et les fenêtres du cabinet de mon père tranquillement occupé à piocher un dossier, volèrent en éclats. Pendant ce temps, les professeurs de l’école mutuelle et les frères ignorantins étaient accourus pour mettre le holà ! Mon père et quelques autres les y aidèrent ! Je vois encore les longues et maigres jambes d’un frère qui avait retroussé sa soutane pour mieux courir et qui pourchassait les plus récalcitrants. Enfin le calme se rétablit. Quant à moi qui avais sur la conscience le bris des fenêtres paternelles, j’étais un galopin fort penaud. Je m’attendais à une forte semonce et, en effet, j’allais l’avoir, lorsqu’un voisin, qui rentrait chez lui en compagnie de mon père, lui dit :

« Bah ! Bah ! ne le grondez pas ! Il s’est mis du côté des bleus. C’est le sang qui a parlé ».

Mon père sourit, et j’en fus quitte pour la peur.


Parmi les élèves de l’école libre, se trouvait le jeune Edmond Biré, que Ranc affectionnait, beau-