Page:Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française.djvu/12

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solé tant de familles, donneront au peuple des plaisirs dignes de lui : l’action combinée de ces opérations diverses doit tourner au profit de la langue française.

Quelques moyens moraux, & qui ne sont pas l’objet d’une loi, peuvent encore accélérer la destruction des patois.

Le 14 janvier 1790, l’Assemblée constituante ordonna de traduire ses décrets en dialectes vulgaires. Le tyran n’eut garde de faire une chose qu’il croyoit utile à la liberté. Au commencement de sa session, la Convention nationale s’occupa du même objet. Cependant j’observerai que, si cette traduction est utile, il est un terme où cette mesure doit cesser ; car ce seroit prolonger l’existence des dialectes que nous voulons proscrire, & s’il faut encore en faire usage, que ce soit pour exhorter le peuple à les abandonner.

Associez à vos travaux ce petit nombre d’écrivains qui rehaussent leurs talens par leur républicanisme. Répandez avec profusion, dans les campagnes sur-tout, non de gros livres (communément ils épouvantent le goût & la raison), mais une foule d’opuscules patriotiques, qui contiendront des notions simples & lumineuses, que puisse saisir l’homme à conception lente, & dont les idées sont obtuses ; qu’il y ait de ces opuscules sur tous les objets relatifs à la politique, & aux arts, dont j’ai déjà observé qu’il falloit uniformer la nomenclature. C’est la partie la plus négligée de notre langue : car malgré les réclamations de Leibnitz, la ci-devant Académie française, à l’imitation de celle della Crusca, ne jugea pas à-propos d’embrasser cet objet dans la confection de son dictionnaire, qui en a toujours fait desirer un autre.

Je voudrois des opuscules sur la météorologie, qui est d’une application immédiate à l’agriculture. Elle est d’autant plus nécessaire, que jusqu’ici le campagnard, gouverné par les sottises astrologiques, n’ose encore faucher son pré sans la permission de l’almanach.

J’en voudrois même sur la physique élémentaire. Ce moyen est propre à flétrir une foule de préjugés ; & puisque inévitablement l’homme des campagnes se formera une idée sur la configuration de la terre, pourquoi, dit quelqu’un, ne pas lui donner la véritable ? Répétons-le : toutes les erreurs se donnent la main, comme toutes les vérités.

De bons journaux sont une mesure d’autant plus efficace, que chacun les lit ; & l’on voit avec intérêt les marchandes à la halle, les ouvriers dans les ateliers, se cotiser pour les acheter, & de concert faire la tâche de celui qui lit.

Les journalistes (qui devraient donner plus à la partie morale) exercent une sorte de magistrature d’opinion propre à seconder nos vues, en les reproduisant sous les yeux des lecteurs :