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LÉON DEQUILLEBEC


Léon Dequillebec nous a quittés. Je revois ce grand garçon maigre un peu penché, à la tête fière et blonde, où la phtisie avait mis ses délicates pâleurs. C’était un timide, un concentré. Il a traversé la vie sans bruit, dans un effacement volontaire, ne parlant jamais de lui-même, publiant à la dérobée, çà et là, des proses élégantes et des vers où il laissait percer toute l’amertume de son âme inquiète, découragée. Un propriétaire indifférent lui laissait occuper, au fond de Vaugirard, une vieille demeure menaçant ruine et sur le point d’être démolie. Les fenêtres fermaient mal. Le jour filtrait à travers l’escalier, les plafonds faisaient ventre. Le plancher chavirait sous les pas, mais il y avait un grand jardin avec des arbres profonds, où toutes les graines poussaient en liberté ; assez d’espace pour faire songer aux bois ; des vieux lierres, des coins noirs, des sentiers, des odeurs. On y admirait un reste de façade écroulée avec des masques de pierre au front des portes. Tout cela était d’une désolation délicieuse.