Page:Rebière - Mathématiques et mathématiciens.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
MORCEAUX CHOISIS ET PENSÉES

s’ajoutent aux vérités anciennes et qui les éclairent ; il s’étonne parfois des perspectives inattendues qui s’ouvrent devant lui et lui laissent voir, sous un aspect nouveau, des régions qu’il croyait connaître entièrement ; peu à peu les ombres disparaissent et la beauté de la science, si une dans sa riche diversité, lui apparaît avec tout son éclat.

Ce qui se passe dans l’esprit de celui qui étudie les mathématiques n’est que l’image de ce qui s’est passé dans la création et dans l’organisation de la science ; dans ce long travail, la rigueur déductive n’a pas été seule à jouer un rôle. On peut raisonner fort bien et fort longtemps sans avancer d’un pas, et la rigueur n’empêche pas un raisonnement d’être inutile. Même en mathématiques, c’est souvent par des chemins peu sûrs que l’on va à la découverte. Avant de faire la grande route qui y mène, il faut connaître la contrée où l’on veut aller ; c’est cette connaissance même qui permet de trouver les voies les plus directes ; c’est l’expérience seule qui indique les points où il faut porter l’effort ; ce sont les difficultés parfois imprévues qui se dressent devant les géomètres qui les forcent à revenir au point de départ, à chercher une route nouvelle qui permette de tourner l’obstacle. S’imagine-t-on, par exemple, les inventeurs du calcul différentiel et intégral s’acharnant, avant d’aller plus loin, sur les notions de dérivée et d’intégrale définie ?

J. Tannery.