Page:Reclus - Le Mariage tel qu’il fut et tel qu’il est.djvu/20

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qui font notre admiration, plusieurs que nous nous proposons d’imiter. Les institutions sociales, choses d’une infinie complexité, produisent des résultats singulièrement dissemblables. La pratique vaudra toujours mieux que les systèmes erronés, toujours moins que les belles théories. Ce qui n’empêche que, dans l’ensemble des éléments qui concourent à un résultat, un bon principe conduit au bien, un mauvais au mal. Ainsi nous affirmons qu’il n’est amitié véritable, qu’il n’est grand amour qu’entre égaux et que, par elle-même, l’inégalité sociale engendre abus, injustices et iniquités. La contrainte aboutit à la révolte, et la subordination à l’insubordination. La tyrannie a pour contre-coup la haine et la rancune, procrée une engeance qui vaut ni plus ni moins qu’elle : vol, tromperie, perfidie. L’inégalité, et surtout celle qu’imposent les lois et les mœurs, l’inégalité factice et purement extérieure, aura toujours une influence funeste. Deviendra-t-elle inoffensive, et même productrice de bien, parce qu’on l’aura introduite entre époux ? Les vices et les défauts qu’on a souvent, trop souvent, reprochés à la femme, nous ne les nions pas, mais nous sommes persuadés qu’ils résultent de la condition qu’on lui a faite ; nous affirmons qu’ils sont, non pas sa faute, mais son malheur, en tant que serve ou esclave. Qu’on ose donc supprimer la cause si on veut abolir les effets ! — Comment, on a exclu la femme de l’enseignement supérieur, on lui a fabriqué une histoire et une littérature spéciales, on lui sert la morale « à l’usage des demoiselles », et après on se scandalise que l’être ainsi façonné soit superficiel et frivole, qu’elle intrigue et baguenaude ? Vous lui interdisez la science, et il vous déplaît qu’elle s’adonne aux superstitions ?

Vous lui fermez l’accès aux sources de la haute moralité, et vous lui reprochez qu’elle soit affriandée d’adultère ?

Et ce n’est pas tout. Combien qui, viciées par un mariage vicieux, vicient leur mari, le poussent au jeu, l’incitent aux aventures de ruelles ? Le malheureux voudrait fuir un intérieur suintant l’ennui, échapper à un caquetage odieux, aux envies basses, à une vulgarité repoussante, à une moralité sordide. C’est ainsi que les mauvais mariages corrompent les familles et par les familles la communauté. C’est ainsi qu’un sang cancéreux charrie la pourriture dans les organes du corps social.

Les jeunes couples qui pensent ne pouvoir mieux faire que d’associer leur vie, afin que, appuyés l’un sur l’autre, ils travaillent