Page:Reclus - Le Mariage tel qu’il fut et tel qu’il est.djvu/23

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Comme nous préférons dire : — « De ton amour, je ne veux autre preuve que ton charmant sourire, autres garants que ta main loyale, que cet œil au fond duquel j’ai vu mon image… S’il m’avait menti, ce regard débordant de douces promesses, que me feraient contrats notariés, diplômes contre-signés par l’autorité municipale ! Alors je m’écrierais à mon tour : « Plus ne m’est rien ! rien ne m’est plus ! » — Mais on n’irait point au procureur pour qu’il fouille dans les billets intimes, pour qu’il promène son lorgnon sur des fleurs fanées, pauvres fleurs qu’imprègne encore un vague parfum. On ne requerrait pas séparation de corps et de biens, pour être vilipendés, ridiculisés, traînés dans la boue par des avocats facétieux… Car un procès, des procès, c’est encore la plus claire des garanties qu’offre la législation aux époux qui cessent de s’aimer et de s’estimer.

On reprend : « La loi, défavorable aux mariages qu’elle ne sanctionne pas, la loi, plus dure encore que l’opinion publique, la loi se venge sur les enfants qu’elle qualifie de bâtards, et s’applique à écarter, à exclure des partages de famille. »

— Cela est incontestable. Mais puisque l’héritage est privilège, on n’a pas à le rechercher ni pour soi, ni pour les siens, encore moins à lui sacrifier une conviction. Et pour ce qui est de l’état civil, quel mal à ce qu’on qualifie d’enfants naturels ceux qui ne sont autre chose ?

On nous arrête : — Vous prenez la chose bien légèrement. L’appellation de bâtard, simple médisance dans les grands centres de population, est toujours fort redoutée dans les campagnes et les petites villes. À ceux auxquels elle s’appliquera, elle sera pénible en raison même de son injustice et de son absurdité.

« L’injure n’est que prétendue, mais elle est faite réelle par l’intention, et reste dans le droit strict. L’enfant qui n’en peut mais ne pourra s’en défendre, et n’aura qu’à courber la tête quand des sots et des méchants la lui jetteront au visage… » Et on nous adjure : « Parents en espérance, n’imprimez pas ce stigmate au front de ceux qui sont à naître, ne leur rendez pas plus difficile le combat pour l’existence ; ne les chargez pas d’un fardeau qu’il ne tiendrait qu’à vous de leur épargner ! »

Arrêtons-nous sur cette considération, la plus grave de toutes aux yeux de plusieurs amis.

S’il ne dépendait que de nous, chacun épargnerait à ceux qu’il aime, et surtout à ses enfants, toute peine et tout chagrin. Nous