Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/135

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Et qui ne sort de sa cage
Qu’après l’âge de quinze ans.


Poumon, pucelage, oiseau sanglant, oiseau languissant. La cage est vide, la cage est seule. Celui qu’elle tenait prisonnier est monté jusqu’aux étoiles. Mais déjà le voici qui redescend métamorphosé, devenu visage aux yeux clos, aux traits parfaits, aux joues, qu’on devine, du premier regard, plus douces que cire à la caresse des mains et des lèvres. Or ces paupières si parfaitement jointes qu’on les eût prises pour une seule et même coquille, de ces paupières, soudain, quel invisible coup de dent fait jaillir le noyau des yeux ? Parmi l’ombre née des tempes, des narines, du menton, un regard soudain fleurit. Regard impair, bien que deux yeux soient l’un et l’autre vivants. Et les traits du visage ont achevé de s’effacer. Dans la solitude, dans le vide en face d’un garçon au corps creux, ne demeurent que deux yeux : un œil de Bruggle, un œil de Diane.

Œil de Diane, précis et triste d’une conscience qui le limite, œil de Bruggle le plus bel œil humain que Pierre ait jamais vu. Œil humain, œil animal aussi et que l’amour même ne saurait apprivoiser. Bruggle, petit sauvage, son œil sent la forêt, le bois sec, la pluie. Une goutte de son regard est plus profonde que tous les océans les uns sur les autres. Œil de Bruggle, œil animal. Bruggle petit sauvage. Il avait raison de rire