Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/14

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comment vivre si on l’ignore. La perfection n’est pas de ce monde. L’humanité ne vaut pas cher. On ne sait d’ailleurs ni à qui à quoi s’en prendre. Tant de facteurs interviennent : la malchance, l’hérédité, les mauvais penchants. Pauvre Mme  Dumont-Dufour, en dépit d’un esprit méthodique, d’une intelligence raisonnable et d’un cœur sage, rien ne lui a réussi. Ainsi Pierre, son fils, dont la nourrice était alcoolique (voilà pour la malchance) a un caractère emporté. D’ailleurs il a de qui tenir, son père (voilà pour l’hérédité) s’est toujours montré d’une telle violence. Mais tout cela ne serait rien si ledit Pierre n’avait le goût bizarre et une curiosité (voilà pour les mauvais penchants) dont sa mère à bon droit s’affole, car, si l’on peut se réjouir de l’affection qu’il porte à cette chère Diane, comment ne pas redouter les pires catastrophes de l’amitié qu’il a pour des métèques venus on ne sait d’où. Des métèques, oui. La France, Paris et, ce qui est plus grave, Pierre Dumont se trouvent entre leurs mains. La jeunesse perd la tête. Que Mme  Blok veille sur Diane, Mme  Dumont-Dufour est bien forcée de laisser aller Pierre là où il veut, mais elle en souffre assez la pauvre femme. Tant de nuits blanches et de jours noirs. La chair est faible. Les jouvenceaux du XXe siècle cèdent à toutes les tentations de la moderne Babylone et chaque année en fabriquent de nouvelles. Du temps de Mme  Blok et de Mme  Dumont-Dufour