Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/140

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d’elle Pierre cesse de l’aimer ou bien perde cette grâce, cette langueur qui la touchèrent et permirent à ce qui, pense-t-elle, eût dû être simple amitié de devenir amour. Diane, les coudes sur la nappe, le menton dans ses mains en coupe, sait qu’il ne sera pas répondu à l’interrogation de son silence.

En face, tout près d’elle, un jeune garçon, à chaque pensée, plus sûrement que d’un coup de rame d’elle s’éloigne. Son air malheureux qu’elle chérissait pour tant de promesses suppliantes, cet air qui implorait une aide qu’elle avait si grand bonheur à donner, est devenu un air absent. Si elle essayait de parler, Pierre ne l’entendrait point. Alors, parce qu’elle croit qu’elle ne pourra jamais plus rien pour son secours, elle ne cherche même pas des mots qui puissent avoir raison de son silence.

Grâce à Mme Blok qui est rentrée toute bouleversée et s’est accusée d’avoir par sa question : « Est-il anormal ? « déchaîné des malheurs, Diane sait qu’une scène n’a pu manquer d’avoir lieu entre Pierre et sa mère. Comme elle n’ignore aucune des ressources de Mme Dumont-Dufour dans l’art de persécuter, dès qu’elle a entendu la voix de Pierre au téléphone, elle s’est dit qu’il devait souffrir et que sa présence lui serait bonne. Or bientôt ils auront fini de dîner et Pierre, se répète-t-elle, n’a desserré les dents que pour lui dire bonjour. Il s’obstine à tout garder secret et la jeune fille volontiers croirait