Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/149

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Au reste, c’est peut-être parce que, consciemment ou non, il avait pris notion de cette résistance que Pierre a exagéré jusqu’à ce qu’il sentît Diane obligée de savoir à quoi s’en tenir et de s’avouer, pour son malheur définitif, qu’elle savait à quoi s’en tenir.

Pour Diane, si elle souffre du point sur l’i, ce n’est pas qu’elle soit aujourd’hui plus qu’hier jalouse, mais la périphrase par trop transparente dont il a usé pour avoir raison de son dernier doute affirme une volonté agressive telle que la jeune fille, si elle l’explique ou même l’absout, ne peut manquer d’en être atteinte au plus profond. Or impuissante à nier les intentions mauvaises de Pierre, elle n’en essaie pas moins de se raccrocher à ses derniers scrupules. Elle, qui méprise les procédés de la coquetterie, elle va jusqu’à chercher des formules bienfaisantes, des moyens d’écarter mécaniquement les soupçons, de reculer une scène. Ainsi se rappelle-t-elle que les livres de morale enfantine recommandent d’avaler une gorgée d’eau avant de se mettre en colère. Alors, parce qu’elle sent des reproches lui monter aux lèvres, elle allume une cigarette et s’interdit de prononcer une seule syllabe, de se permettre une seule pensée contre Pierre avant d’avoir fini de la fumer.

Une fois encore, d’ailleurs, elle sera victime de ses bonnes intentions. Parce qu’elle est assez forte pour s’imposer silence et tendre les petits muscles qui