Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/163

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gères. Tu n’ignores pas que je couche avec Bruggle et moi je sais, en dépit de tes gaffes trop bien combinées, que tu n’as jamais couché avec personne, mais crois-tu que ce soit suffisant. Notre faiblesse a été de nous refuser à voir nos contradictions. Ainsi, longtemps, par lâcheté, pour apaiser mes scrupules, me suis-je contraint à te croire surhumaine, mais aussi grande était ma mauvaise foi quand j’ai cherché ce soir le moyen de te mépriser purement et simplement. Et toi, Diane, pourquoi me parer de grâces romantiques ? Tu as voulu t’abuser sur tes intentions elles-mêmes et maintenant encore aimerais mieux mourir que d’avouer que si tu as envoyé promener le Cloupignon, c’est qu’en vérité, tu espères devenir ma femme un jour. Tu te moques de la sûreté, de la paix de ton ingénieur chimiste, mais, au fond, pour moi, pour toi, tu n’a jamais souhaité rien d’autre.

Or il est temps que tu comprennes qu’entre toi et moi jamais ne sera possible le vrai, le simple bonheur, et si un tel bonheur avait été possible, tu entends Diane, tu n’aurais rien connu de cette foi charitable dont tu t’enivres comme tous ceux qui savent que leur règne n’est pas de ce monde. Et moi-même, Diane, enfin aujourd’hui je m’en aperçois, je ne t’aurais pas souhaitée, je ne t’aurais pas supportée, si tu avais su me donner la paix que n’ont cessé pourtant de me promettre ta voix, la caresse de tes mains et toute ta tendresse.