Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/174

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jeune voyou, un grand artiste, lui avait-il été annoncé, un grand artiste et qui jouait de l’accordéon comme pas un.

Ce virtuose de la Villette faisait alors son service militaire dans la marine, grâce à quoi, il pouvait, au mieux de ses chances, tirer parti d’une peau assez fraîche pour affoler tous ceux que congestionne la vue d’un béret à pompon rouge. Sa vigueur naturelle, au reste, le défendait fort bien des fatigues ou scrupules qui eussent pu gâter les profits que sa jeunesse, l’art du clin d’œil et l’encourageante facilité à partager promptement les désirs que sa personne avait commencé d’inspirer, lui permettaient d’ajouter aux cinq sous quotidiens. Comme l’uniforme, en aidant les jeunes garçons au libre commerce de leurs charmes, leur confère un anonymat, dont l’hypocrite dignité, lors d’une permission de ce jeune poisse, décida M. Arthur qui aimait à éblouir, à l’emmener dîner dans un grand restaurant que, jusqu’à ce jour, les pantalons à jambes d’éléphant, les foulards de jersey de soie trop violemment fleuris et les chemises roses et les chaussures à empeignes savantes lui avaient interdit, désorienté par l’éclat des lumières, la dignité des maîtres d’hôtel, le petit matelot qui ne savait comment poser sur la nappe blanche, ses bonnes grosses pattes d’accordéoniste, ni quel usage faire de certaine déconcertante fourchette afin de ne point paraître sot ou dépaysé entre Bruggle