Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/205

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Il va falloir qu’on l’emmène. Mme  Blok et Mme  Dumont-Dufour lui ont saisi chacune un bras, et déjà elles sont près de la porte, lorsque la vue d’un jeune garçon sur le seuil fait pâlir Diane, subitement redressée et prête à mordre. Mais à peine a-t-elle eu un mouvement pour se dégager qu’elle s’arrête, car, sur un visage elle a vu des larmes, des larmes semblables aux siennes et qui tracent des routes de douleur. Ses lèvres peuvent tout juste remuer pour murmurer un nom : Bruggle.

Bruggle.

Mme  Dumont-Dufour qui ne cessera jamais de croire à sa vertu, drapée dans son crêpe et son orgueil, s’écarte, l’œil exorciseur. La pitié de Mme  Blok n’imagine point qu’elle ait d’autre mission que de suivre une mère en deuil. Diane et Bruggle restent seuls, et, parce que Diane voit se tordre de malheur des mains dont elle pensait inexorable la beauté, au nom du mort, elle a pitié des sanglots de Bruggle.

Pierre mort, ce félin transatlantique, jusqu’à ce jour détesté, cette créature à l’inaltérable et diabolique innocence, pleure.

Diane l’entend qui la supplie : Diane, Diane, c’était le seul que j’aimais au monde, le seul à qui je pensais quand j’étais triste, dans mon studio, Diane, Diane, pourquoi est-il mort ?

Diane qui ne sait pourquoi elle va continuer à vivre,