Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

voisins, revenu de Madagascar avec des galons de commandant et des fièvres qui le ravageaient, d’une voix rude affirmait : « Je suis sec comme un coup de trique. » Sec comme un coup de trique. Mme  Blok aime la maigreur, les ventres creux semblables à ceux du Christ, sur les tableaux. Sec comme un coup de trique, ainsi doit être le colonel Dumont. Un coup de trique, la trique. La trique, Mme  Blok rougit, car elle n’a pas oublié le sens que donnait à ce mot la commère d’une revue canaille, où M. Blok quelques jours après leur mariage l’avait menée. La trique. Le mot a un sens si précis que Mme  Blok devient violette. Heureusement que Mme  Dumont-Dufour s’absorbe tout entière dans la contemplation d’une serviette à thé. Pour le colonel, si colonel il y a, il ne saurait manquer d’être maigre. Sans doute, est-il allé en Afrique. La chaleur tropicale l’a fait fondre. Tout au moins elle l’a empêché d’engraisser. Et puis il a dû pratiquer divers sports. En tout cas, il monte à cheval. Donc pas de ventre. C’est bien ce qu’elle imaginait. Sec comme un coup de… Quoi, encore ces mauvaises pensées. Le colonel est maigre. Un point c’est tout. Et puis un officier, s’il perd sa jolie tournure, n’hésite jamais à porter corset. M. Dumont est bel homme. Pourquoi diable est-il devenu fou ?…

Mme  Blok voit un grand diable en culotte rouge, les cheveux poivre et sel, tout ficelé d’or, qui se pro-