Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/41

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nouveau, il s’obstinait : Ma femme, ma fille, des accidents. Diane se mariera, aura des enfants. Tant mieux pour elle, moi je mourrai pour la Russie et je n’aurai pas besoin de vos orgues, de vos couronnes, ni des sales paroles de pitié. Je défends qu’on prie sur ma dépouille, qu’on pare mon cadavre, qu’on lui creuse une tombe. Ce n’est pas à la terre d’Europe que je veux faire don de mon corps, mais aux fleuves de mon pays, à la Volga. Que j’y devienne poisson, et qu’un jour quelque pêcheur me pardonne, me ramène jusque dans sa cabane pour le miracle d’une résurrection sur les rives de la Russie, de la sainte Russie dont mon père fut chassé. Car je suis fils de proscrit, et l’orthodoxie…

Alors commençaient des histoires de tsar et d’orthodoxie auxquelles Mme Blok avoue qu’elle ne comprenait goutte, et, invariablement, Blok concluait :

Déjà mon père, mon grand-père se sont tués pour échapper au plus triste sort. Je vois leurs âmes qui flottent alentour. Bonjour mon père Ossip Alexandrovitch, bonjour mon aïeul Alexandre Fédorovitch, bientôt Dimitri Ossipovitch vous rejoindra. Ici j’ai ma femme Herminie, ma fille Diane. Qu’importe ? D’ailleurs, Herminie, tu n’es qu’une Européenne.

— Et toi, qu’es-tu donc ?

— Un Russe, Herminie. Un Russe qui méprise l’à-peu-près où ses forces s’épuisent. J’ai pitié de toi, de la petite Diane, qui un jour, se mariera, aura des