Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/62

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Elle se répète qu’elle serait bien bête de se refuser le vrai, le seul plaisir qui lui ait jamais été offert : achever sur le fils une vengeance dont la volonté naquit du père : Hippolyte au négatif Pierre expiera pour un autre. Il l’a si bien compris qu’il laisse parler sa mère sans sourciller ou ne lui répond que par une boutade, chaque fois qu’il est personnellement mis en cause, comme s’il n’avait pas à rendre compte de ses propres actes ou bien comme s’il se désintéressait d’une vie qu’on lui demande de justifier. Au contraire, dès qu’il s’agit du colonel, avec une volonté qu’il qualifie, lui-même le premier, de puérile et de naïve, il cherche excuses et circonstances atténuantes. Ce ne sont point les fautes de Pierre Dumont qu’il défend, mais celles de son père dont il sait bien qu’on le fait héritier, à seule fin de lui en demander raison. Mais, quel que doive être le jugement, il estime qu’il n’y aurait pire lâcheté que de refuser de répondre aux nom et place d’un homme qu’on accuse sans qu’il puisse se défendre. Or cette vie du colonel Dumont, où enfant il prit la notion de faute, il ne peut en justifier les désordres que par la folie. Donc, il plaide folie et c’est pourquoi, en claire franchise, il explique à Mme  Dumont-Dufour les tourments d’homme qui voit fuir sa raison. Mais Pierre est mauvais acteur. Il ne sait pas tirer parti d’un rôle qui l’use. Il s’émeut de ses propres phrases qui n’ont pas l’heur de toucher Mme  Dumont-Dufour,