Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/68

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coup dans la famille Blok et le suicide c’est comme les cheveux poil-de-carotte. Quand c’est dans une famille ça n’en sort plus. Le mieux qu’on puisse espérer c’est que ça saute une génération ou deux. »

Diane a déjà son chapeau sur la tête : « Au revoir, maman. » Mme  Blok ne la laisse partir que lorsqu’elle a juré que jamais, quoi qu’il advienne, elle ne se tuera. Diane prête serment et rit, mais elle a descendu deux ou trois étages que Mme  Blok, toujours penchée sur la rampe d’escalier, conseille : « Et surtout, ne te laisse pas aller à tes pensées tristes. »

Or Diane a beau rire de la grand-mère de la rue de Grenelle-Saint-Germain et de sa théorie sur le suicide et les cheveux roux, tout comme d’ailleurs jadis en riait cette chère Herminie alors qu’elle voulait, en dépit de tout et de tous, épouser Dimitri Blok, Diane a beau rire, souvent il lui arrive de considérer le suicide comme une menace contre quoi on ne saurait trop se prémunir. Au reste, cette menace parfois prend la qualité d’une promesse et, bien des jours d’anxiété ou de mélancolie, voire même de simple fatigue, certains gestes homicides ont, pour la tenter, une fraîcheur de porte profonde dans une rue trop chaude en plein midi. Alors, elle ne peut penser à quoi que ce soit, sans conclure : « Ce n’est pas pour des prunes que nous habitons au cinquième », ou : « Les revolvers ne sont pas faits pour les chiens. » Mais Diane a de bonnes cou-