Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/71

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lation qu’elle va lui porter aujourd’hui, et déjà elle oublie son bonheur, son simple bonheur d’être, pour plaindre Pierre qui se désole de son cœur jamais à point, toujours trop chaud ou trop froid, un cœur, dont il ne sait quoi de sensible, de quasi physique même, au fond de lui, s’effraie comme une plante de pied d’un rocher, et non parce qu’il est dur, mais parce qu’il exagère comme s’il ne les sentait pas les températures ambiantes et ainsi, l’hiver, se glace au point de se fendre et l’été multiplie toute chaleur et brûle.

Pierre, dont les mains souvent tremblent, Pierre, dont le gosier parfois ne laisse point passer le moindre morceau de pain, envie les joues fraîches de Diane, son appétit, et ce calme surtout.

Pour lui, chaque jour il doit éviter quelque nouveau piège que Mme  Dumont-Dufour conçoit avec un génie aussi divers qu’acharné. Sous un regard qui n’ignore aucune des ruses de l’attaque, il se sent donc à tout instant près de capituler et se répète que jamais il ne guérira de sa hantise, et que le mieux, sans doute, serait de s’y abandonner dès à présent.

À quoi bon se retenir, se torturer, se ravager ?

Il se douche, fait une dizaine de kilomètres à pied chaque jour, s’interdit de se mâcher les lèvres, essaie des syllogismes pour donner à ses rêves une teinte raisonnable et cependant la même lampe qui ne cesse