Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/73

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noir sur vert ou rouge d’abord les avait séduits, leur soirée sera perdue, tandis que dans un théâtre quasi de quartier on joue un auteur étranger, inconnu du grand public et des snobs, méprisé des critiques, mais dont Pierre appréciera les trois actes qu’on donne justement ce soir.

Diane sait tout, du moins tout ce que Pierre doit faire, voir, entendre, lire pour être heureux. Diane est la sagesse de Pierre qui s’attendrit et pense avoir en elle enfin trouvé le bonheur.

Mais pourquoi ces épaules qui soudain se haussent.

Un ricanement. Diane, sa sagesse ?

Oui, ce matin même, du fond de ses derniers cauchemars, les cauchemars de l’aube dont l’ombre tache la journée, il l’appelait avec des mots de feu. Pour triompher des pièges du sommeil, encore endormi déjà il se disait qu’elle était sa sagesse. Mais maintenant éveillé, comment ne point se demander si, sage lui-même, il l’aimerait autant, aurait un tel besoin de sa présence ou même le désir de la voir ! Le calme descendu, souhaite-t-il en vérité qu’elle demeure encore, toujours à ses côtés ?

S’il se pose ces questions, n’est-ce point qu’il pense déjà aux heures où il lui faudra continuer de la subir sans qu’aucun élan ne l’ait porté vers elle. Seule la reconnaissance les liera et il n’aime à se sentir lié par aucun devoir et, moins que par tout autre, par le devoir de reconnaissance.