Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/77

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Cette jalousie sans doute est à la fois de l’amour et de l’orgueil blessé, mais pour le petit plaisir de jouer va-t-il continuer à faire souffrir celle dont lui vient toute paix ? Il sait que si Mme Dumont-Dufour déchaîne une nouvelle scène, que si Bruggle ne vient pas au rendez-vous qu’il lui a donné ce soir, ou le griffe d’un de ces mots ou de ces silences aigus dont il use avec la grâce cruelle et sûre d’un jeune animal, demain matin, à la première heure, ce sera un coup de téléphone pour supplier Diane de déjeuner avec lui ou de l’attendre vers deux heures dans un café de la rive gauche d’où ils partiront pour quelque promenade de consolation sur les quais.

Pierre se traite de lâche, s’enfonce les ongles dans les paumes pour se punir, se jure que jamais plus il n’aura cette odieuse conduite envers Diane, et comme il ne veut pas voir les larmes qui, par sa faute, vont couler peut-être, doucement, ses lèvres caressent deux yeux, et Diane oublie les gestes impatients, les réponses brèves et surtout cette voix qu’il prend chaque fois qu’il lui parle de Bruggle pour affirmer des intentions méchantes, les exagérer même. Il n’avait pas besoin d’articuler avec un tel soin pour qu’elle comprît, souffrît. Or non seulement Diane excuse Pierre, mais encore s’ingénie à trouver de nouvelles raisons de le plaindre, de l’aimer mieux : Pauvre petit, pense-t-elle, ce Bruggle avec ses caprices, sa coquet-