Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/78

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terie comme il doit le faire souffrir », et elle pardonnerait tout à celui dont elle sent contre ses cils la bouche que le remords attendrit. Sa tête se relève et au jeune garçon dont elle n’avait pas besoin de surprendre le visage pour savoir la honte, afin qu’il se déteste moins : Tu te méjuges, Pierre. Tu es bien meilleur que tu ne crois.

Or si Pierre est meilleur qu’il ne croit, et s’il se méjuge, elle se dit que la faute en est à elle-même et à elle seule, car toute l’optique morale du jeune Dumont est, d’après Diane, faussée par la surestime qu’il a pour elle. Ainsi, n’accuse-t-il si souvent et avec une telle cruauté contre soi sa faiblesse que parce qu’il se fie à l’air bien portant de Diane qui vaut à ses propres hantises de se faire plus pâles, plus menaçantes. La jeune fille en vient donc à s’exaspérer d’une force qui n’est ni bien ni qualité dès qu’elle s’affirme si brutale qu’elle ne saurait secourir qui en a besoin, mais au contraire l’intimide et lui donne une plus pénible idée de soi.

Alors Diane, qui ne veut plus que Pierre la croie sans péché ou de chair assez sage et d’esprit assez vigoureux pour n’avoir jamais rien eu à se reprocher au plus secret du corps ou du cœur, Diane, le visage proche du visage de Pierre, mime les désirs et fait comme si elle ne pouvait résister à une soif maîtresse des sens, de toute sa peau, de ses mains qui tremblent