Page:René Crevel La Mort Difficile 1926 Simon Kra Editeur.djvu/99

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reprocher le quasi-sommeil, l’indifférence à tout ce qui n’est pas jambe fine, reins étroits, torse parfait, indifférence où il est tombé par la faute — doit-il dire par la faute ou par la grâce — de son voisin d’atelier.

Ainsi ses yeux sont scellés, closes ses oreilles, mais plutôt que d’avouer un simple désir, il préférerait accuser quelque sortilège, se croire victime d’un mauvais œil, car, s’il ne s’en veut pas d’avoir oublié le modèle, cette grosse fille mafflue sur une estrade, comment ne se reprocherait-il point de s’être laissé troubler non par un être total et mystérieux mais par des morceaux d’un individu banal.

Or cet individu banal dont la tentation n’est même pas la promesse de quelque extase d’essence supérieure, par sa faute, pourtant, Pierre a déjà témoigné à Diane de l’indifférence sinon du mépris. Il a bien essayé soudain de se ressaisir, mais, s’il a voulu de toutes ses forces que la jeune fille crût encore à sa tendresse, il a tout juste réussi un piètre simulacre. Il a répété un nom : Diane, Diane, Diane, et, contre le bras de celle qu’il invoquait, son bras essayait de se faire plus pressant, plus tendre. En vain. Du coude partent en flèche des volontés protectrices et douces. Flèches perdues. De l’épaule au poignet, les muscles se sont relâchés. La manche d’un pardessus d’homme flottait sur la manche d’un manteau de femme, les yeux de Pierre très vite ont cru que ni l’une ni l’autre